Après la qualification du Maroc sur le Portugal en demi finale de la Coupe du Monde Qatar 2022, suivie de celle de la France sur l’Angleterre, les esprits s’échauffent attendant la rencontre historique entre ces deux pays qui partagent de profonds rapports culturels et historiques et qui vont devoir s’affronter en phase décisive de coupe du monde.

Sauf que, la militante féministe marocaine Fatima Ezzahra Benomar en a profité pour rectifier sur sa page facebook, à travers ce texte s’appuyant sur le rapport dominant-dominé entre le Maroc et la France en se basant principalement sur les conditions de travail des cheminots marocains et les discriminations dont ils font l’objet, en rappelant que la France et le Maroc ne sont pas deux peuples amis…

Non, on n’est pas «deux peuples amis». On est deux peuples qui s’inscrivent dans un rapport historique et étayé de «dominant-dominé».

La France est le pays qui a discriminé de façon explicite et assumée les cheminots chibanis, très majoritairement marocains, via un statut spécifique qui les a parqué dans une annexe spéciale, leur imposant de rester agents d’exécution toute leur vie, sans espoir de progression de carrière pour devenir un jour agent de maitrise ou cadre SNCF. C’était le poste de cheminot le plus dur et le plus dangereux, beaucoup ont été blessés voire tués sur les rails. Les blessés marocains n’avaient pourtant pas le droit de soigner leurs plaies dans le cabinet médical qui était dans chaque gare.

Beaucoup ont travaillé dix ans de plus que les cheminots français, qui partaient à la retraite à 55 ans à cause de la pénibilité, mais leur pension n’était même pas égale à la moitié de celle d’un cheminot français qui n’avait que 15 ans de service. Ils ont aussi été privés de la gratuité de circulation dont jouissaient leurs collègues français et leur famille, leur permettant de voyager dans toute l’Europe.

Si un cheminot français décédait d’un accident de travail, on donnait à sa veuve une pension à peu près égale au montant du salaire brut du défunt, et les enfants étaient considérés pupilles de la Nation. Quand un cheminot marocain décédait, sa veuve ni ses enfants ne touchaient RIEN, pire, la SNCF leur envoyait illico une lettre recommandée pour leur demander de quitter leur logement. La France a rechigné jusqu’au bout à reconnaitre et à réparer la souffrance qu’a été leur exploitation : cassés au travail, mal rémunérés, lésés à la retraite, leurs familles précaires maltraitées et mises à la rue en cas de disparition de celui qui les nourrissait, le tout dans l’indifférence totale des organisations syndicales françaises.

On est, le Maroc, un pays qui traduit tout en français, les plaques de ses rue, ses documents officiels, jusqu’aux mots qui sont sur les frontons des établissements administratifs. Un pays qui parle et enseigne les deux langues, et où on fait clignoter à ses quatre coins le fameux « rayonnement culturel de la France » sans se soucier que son éclat permanent susciterait chez bon nombre de marocain-es le désir irrépressible de venir dans l’Hexagone, perçu comme une sorte d’extension de notre identité marocaine, une double culture informelle, même sans avoir la double nationalité.

Un pays qui garde encore les stigmates évidents du récent protectorat, et dont les ressortissant-es, une fois en France, vont subir à leur grand désarroi un parcours semé d’embûches et baignant dans un imaginaire raciste qui réduit les hommes à des incompétents ou des agresseurs, et les femmes à des proies sexuelles toutes désignées, les « beurettes » qui sont très exposées dans les milieux professionnels et les lieux de pouvoir, entre autres. Je crois n’avoir connue en France quasiment aucune expérience professionnelle exempte de harcèlement sexuel racialement caractérisé où mon identité arabe était un point de vulnérabilité, si ce n’est dans les milieux très féminisés où j’ai pu travailler.

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