Pour cette édition, la rubrique INTERVIEW a mis le Cap sur les Caraïbes, plus précisément en Haïti afin de rencontrer Wadline Thérassé Ganthier, artiste de scène, qui a étudié la danse à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS) à Port-au-Prince, et qui a aussi foulé la scène internationale en se produisant dans des tournées en Europe et en Amérique du Nord. Ambassadrice de la danse traditionnelle haïtienne, Wadline Thérassé Ganthier se propose de nous parler de ses expériences et ses projets.
LCM : Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours
Mariée et mère de deux adorables princesses, je suis née à Port-au-Prince le 27 juillet 1986 dans une famille catholique de 4 enfants. Je me suis très tôt orientée vers la création artistique. Mon parcours a débuté en classe de primaire j’avais entre 7 et 8 ans, à l’époque je faisais partie d’une troupe de majorettes dans le quartier où j’ai grandi et je prenais part tous les ans aux parades à l’occasion de la fête de la commune de Carrefour les 17 mai, et les 18 mai à Arcahaie pour célébrer la fête du bicolore haïtien. En classe de 7eme Année Fondamentale, j’avais 12 ans, j’ai commencé à suivre des cours de danses latines et folkloriques. Et dans le secondaire, j’ai suivi des cours d’arts plastiques et de chants. Je peux dire que je me suis vite projetée comme l’une des figures emblématiques de la culture haïtienne.
« La danse joue un rôle capital dans les relations humaines, elle est une école du comportement social, de l’harmonie du groupe. Elle est l’école de la générosité et de l’amour, du sens de la communauté et de l’unité humaine. Danser sa vie, est d’abord prendre conscience que non seulement la vie, mais l’univers entier est une danse. »
Dans le prolongement de ces réflexions, j’ai suivi ma vocation en intégrant l’ENARTS (Ecole Nationale des Arts) en 2005 où j’ai fait mes études en danse et en théâtre. En 2010, j’ai représenté Haïti en France dans de nombreux spectacles à l’occasion d’un festival de musiques et de danses folkloriques internationales « Inter Folk ». Au cours de cette même année, j’ai travaillé comme responsable pédagogique dans le cadre de la réinsertion sociale des enfants fragilisés par le séisme avec des ONG comme la Fil Culture, La Culture Création et La Fondation de France. Avec l’académie des arts de la scène Corps et Âmes, j’ai travaillé dans le développement du projet : Education par les Arts à Carrefour, où j’ai organisé des ateliers autour du thème l’enfant et son environnement, fait la promotion des valeurs affectives telles que le dépassement et l’estime de soi, et travaillé dans la conception et la réalisation de plusieurs spectacles. En 2012, j’ai participé au festival de théâtre quatre chemins avec une mise en scène de Wilda Philippes. J’ai intégré en 2013, en tant que responsable culturel et coordonnatrice pédagogique, Jeunesse En Développement (JEDe), association dont le siège social se situe à Aquin. Association qui œuvre dans le domaine de la sensibilisation par le sport, le jeu et les arts. Toujours en 2013, j’ai continué à poursuivre ma formation en intégrant l’Académie Haïtienne des arts de la scène (Haïti spectacle) sous la direction de Bertrand Labarre. De 2013 à 2017, j’ai travaillé comme chargée de projet culturel, professeur de danse et chorégraphe à Dance For Life Studio et au Collège les Normaliens Réunis. En 2015, j’ai créé ma compagnie de danse où je mène mes travaux de recherche, et découvre le corps dans toute sa splendeur par le biais de mes créations.
« Mes œuvres sont créées dans l’objectif de faire découvrir au danseur lui-même une nouvelle expression de son art et de ses capacités. »
Mes Œuvres sont classées en trois catégories
· Spectacles : Une enfance engagée (2011) co-production – A la croisée des rythmes (2016) – Les maux d’elles (2016)- La transe (présentée à PAPLAB en 2018) – Rêve ou cauchemar ? (2018) – Je danse mon histoire (2018)
· Activités liées à la danse, La danse sous les couleurs du temps (Activité qui se fait tous les ans autour de la journée mondiale de la danse. A débuté en 2015)- Fòl Pratik (soirée traditionnelle hebdomadaire réalisée en 2017)- Expression croisée (Séminaire de danses traditionnelles internationales réalisé en 2017 avec une autre compagnie de danse nommée FAL: Folklo Ayisyen Lakay, basée aux USA)
· Travaux de recherche : – Rabòday fitness (technique de remise en forme créée en 2018 et enregistrée au Ministère du commerce en 2019)- La danse sous le couleurs du temps( documentaire en cours de réalisation traitant de l’histoire générale des danses traditionnelles haïtiennes.)
LCM : Dites-nous ce que c’est que le Rabòday Fitness et quels sont les avantages à le pratiquer ?
Le Rabòday Fitness (RF) est un programme d’entraînement physique complet, ralliant tous les éléments de la remise en forme : cardio, préparation musculaire, équilibre et flexibilité. Les chorégraphies s’inspirent principalement d’un ensemble de danses traditionnelles haïtiennes (kontredans, djoumba, rabòday, mazoun, kòy, baton, chay o pye, mereng peyizan, majè jon, rara…) qui symbolisent la festivité des paysans pendant et après le labeur agricole (konbit).
Associant des rythmes endiablés et des pas de danse chorégraphiés, le Rabòday fitness est un sport très complet qui permet pendant un seul cours de brûler en moyenne entre 500 et 800 calories et de gagner en endurance. D’un point de vue physique, les déhanchés (gouyad), le (sekwe) des épaules ou le (balanse) des hanches rappelant le rara, le Rabòday, ou encore la Contre danse, le Djoumba et le mazoun, permettent de gagner en souplesse, tandis que les rythmes endiablés et les exercices de fitness sollicitent de nombreuses parties du corps (cuisses, fesses, ventre, bras) en développant les muscles et faisant travailler le cardio.
D’un point de vue psychologique, le Rabòday fitness chasse le stress et donne le sourire, par la musique, l’esprit de convivialité des cours et le « lâcher-prise » des mouvements. Pour perdre du poids de façon efficace, il est recommandé de pratiquer cette technique 2 à 3 fois par semaine tout en adoptant un régime alimentaire sain.
Rabòday Fitness peut se faire en salle de danse, en salle de sport, en milieu neutre et décontractée (plage, place publique, chez soi …) avec un moniteur sportif ou un danseur appelé « Colonel » en référence à la tradition du Rara.
A noter que Le Rabòday Fitness est déconseillé aux personnes souffrant d’insuffisance cardiaque ou de problèmes d’articulations. Avant de démarrer son activité, il est important de demander avis à un médecin traitant.
Classe
Une classe de Rabòday Fitness peut durer entre 45 minutes et 1 heure. Sur un enchaînement de musiques très rythmées le colonel qui peut être un homme ou une femme, exécute des chorégraphies simples qui peuvent être imitées par les participants. La classe débute avec quelques mouvements d’échauffement corporel général consistant à faire travailler toutes les parties du corps pendant environ 5 à 15 minutes pour le préparer à l’intensité des mouvements qui suivront le reste de la séance.
Pendant le déroulement de la classe, les exercices et pas de danse s’intensifient, les mouvements étant de plus en plus précis et coordonnés. Les chorégraphies effectuées sont détaillées pas à pas par le colonel, faisant du RF une activité sportive praticable par tous. Pas besoin d’être un pro pour danser, le but étant avant tout de se défouler et se lâcher. A la fin de chaque séance, 5 à 15 minutes sont réservés pour un retour au calme et l’étirement
Au cours des séances, le colonel peut facultativement utiliser des matériels comme des baguettes en référence à la danse des bâtons ou un mat de rubans en référence à la danse tresser rubans. Le Colonel peut aussi utiliser un sifflet.
LCM : Qu’est-ce qui vous a inspiré le RF ?
Premièrement l’histoire des danses traditionnelles haïtiennes. Mon travail portant sur la sauvegarde des patrimoines culturelles, montre l’étendue du défi de donner une image tout à fait émergente aux danses traditionnelles qui pour la plupart du temps restent dans l’ombre à l’insu de toutes formes de développement. Étudier et pratiquer le traditionnel est une aventure passionnante et enrichissante par rapport aux sources d’un tel art qui ne sont autres que les pratiques de la religion Vodou. Connaître ses traditions est un moyen de tisser des liens avec soi-même, une façon de s’identifier pour revoir ses priorités afin de montrer la voie à ceux qui se sont perdus en chemin. Considérant la problématique de l’art de notre pays, il est clair que nous voulons agir de manière positive pour faire ressortir nos angoisses mais surtout pour travailler dans le dessein de rehausser cette discipline car, souvent caricaturale et incomplète, l’information qui arrive jusqu’aux lecteurs, spectateurs et auditeurs partout à travers le monde est limitée qualitativement et quantitativement. Ainsi dans l’inconscient collectif du reste du monde Haïti apparaît juste comme un pays en crise dont on ne parle que ponctuellement à l’occasion de catastrophes naturelles, de violences ou d’élections.
« Rabòday Fitness (RF) » est une forme de résistance à l’aliénation, à l’acculturation, et à l’auto dévalorisation pratiquées tellement longtemps par ce peuple qu’elles font désormais partie de notre vie quotidienne. Une thématique suscitant un certain nombre de réflexions et d’interprétations, une démarche qui a pris naissance dans le vécu populaire, une recherche qui trouve sa profondeur et sa justification dans le désir de se voir autrement. A travers ce projet je peux transmettre la danse facilement sans nécessairement me plonger dans la totale tradition.
J’ai été aussi profondément inspirée par la nouvelle vague de la musique rabòday qui a pris naissance vers 2000 en Haïti. Merci aux DJ.
LCM : Sur quelle plateforme le RF est-il disponible ? (en salle, En ligne, Television, Etc)
Le RF est disponible uniquement en salle à Port-au-Prince.
LCM : Avez-vous des partenaires locaux, internationaux ou étatiques qui supportent votre projet ?
Jeunesse En Développement est pour l’instant mon seul partenaire.
LCM : Comment le RF arrive à tenir durant la période du Coronavirus ?
Au cours de cette période je n’ai pas pu faire de séances : les conditions n’étaient pas propices pour réunir des gens, et je n’ai pas pu creuser non plus dans mon emploi du temps pour faire des séances en directe sur les réseaux sociaux à cause de certaines obligations personnelles et familiales.
LCM : Comment comptez-vous rendre disponible le RF au reste du monde entier ?
1- A travers des vidéos de démo que je projette de mettre en ligne sur ma chaîne Youtube et sur d’autres réseaux (Facebook, IG, Tik Tok)
2- Grace à mes participations aux festivals internationaux. Dans cette démarche je pourrai l’exporter physiquement et rencontrer les gens pour partager l’histoire passionnante qui se cache derrière ce résultat.
A cause de la Covide-19, mes projets pour 2020 ont changé : j’ai dû faire l’impasse sur cette opportunité qui m’attendais au Canada ce Juillet. Cependant sachant qu’il existe encore pleines d’opportunités je reste positive et en attente de toutes formes d’échanges culturelles qui me permettraient de vendre ce projet afin de le faire apprécier à sa juste valeur.
LCM : Comment peut-on vous contacter ?
Je suis disponible sur:
Youtube : Wadline Thérassé Ganthier
Facebook : Wadline Thérassé Ganthier/Wadline Transe-Expression
Instagram: Wadline_rf
Tik Tok : wadgrabodayfitness
LCM : Quels sont vos derniers mots aux lecteurs ?
1-« L’art n’est pas une activité élitiste réservée à l’appréciation d’un nombre réduit d’amateurs, il s’adresse à tout le monde. » Keith Haring
Depuis l’apparition de ce style musical, modifié et travaillé par des DJ au cours des années 2000, pour certains, il a été catégorisé comme une drogue qui détruit le cerveau des enfants de bonne famille et un amusement obligé pour ceux qui vivent dans les quartiers populaires. Pour d’autres c’est un style importé qui n’a aucune bonne influence sur la vie des jeunes haïtiens. Pourtant Le Raboday a toujours fait partie de la culture haïtienne, c’est à la fois une danse et un genre musical. Il est jugé terre à terre mais c’est le langage de ceux qui sont à terre.
Pourquoi ne pas l’épurer afin d’extraire tout l’or qu’il contient?
Beaucoup de styles que nous apprécions aujourd’hui ont vécu pendant un temps dans la marginalisation mais maintenant sont devenus des sources de revenues importantes. Nous sommes riches culturellement mais à force de vouloir imiter les autres nous ne voyons même pas comment transformer nos ressources en argent. Il ne suffit pas de dire que c’est immoral, il est important de creuser afin de trouver quelque chose de positif dans du négatif car rien n’est ni tout noir ni tout à fait blanc.
Connaissons-nous la définition de ce qu’ils chantent dans leurs reggaeton, leurs kuduro, leurs dancehall ou encore mieux leurs afro-beats? Bien sûr que non mais ce n’est pas grave, nous apprécions quand même car c’est amusant, et même les enfants peuvent écouter sans aucuns soucis. Quand nous dansons sur ces chansons, nous nous efforçons d’imiter même les grimaces qu’ils font avec leurs visages car ça rentre dans le style. Quand est-ce que les autres pourront imiter nos grimaces à nous?
Il est vraiment temps d’agir. Notre culture est pratiquement la seule chose qui nous reste, apprenons à l’apprécier afin de puiser un peu de fierté pendant que nous sommes encore debout.
2-Je cherche des partenaires pour m’accompagner dans ce projet. C’est un projet ouvert aux responsables d’écoles classiques car les enfants et les jeunes doivent pratiquer une activité sportive. Il peut intéresser les responsables d’écoles de danse, des responsables de salles de sport et pourquoi pas des gens qui voudraient prendre des cours privés au cas où ils ne peuvent pas se rendre en salle de sport. RF is open for business.
J’encourage tout le monde à pratiquer le RF car il n’y a pas d’âge pour être en bonne santé.
Présentation en VIDEO du projet Rabòday Fitness
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