Plusieurs victimes présumées d’abus sexuels par Yves Jean-Bart, le président de la Fédération Haïtienne de Football (FHF), disent avoir reçu des menaces de mort depuis que des plaintes ont été portées contre lui.

The Guardian a également appris de nouvelles allégations d’abus de la part d’autres victimes qui se sont manifestées. Les autorités haïtiennes ont ouvert une enquête sur ces allégations.

Jean-Bart, connu sous le nom de «Dadou», a vigoureusement nié les allégations rapportées par The Guardian le mois dernier selon lesquelles il aurait contraint plusieurs joueuses du Centre Technique National de Croix-des-Bouquets à avoir des relations sexuelles au cours des cinq dernières années. Il a soutenu que ces allégations faisaient partie d’un complot visant à l’évincer de la présidence de la FHF.

Plusieurs victimes présumées confient avoir été menacées après la publication des accusations, une ancienne joueuse vivant à l’étranger a déclaré qu’elle devait déménager à la hâte car «il m’a trouvé».

« Un gangster nous a appelées », a expliqué une autre. « Si nous parlons, ils savent où sont nos oncles, tantes, cousins. »

Un ancien entraîneur qui travaillait au centre a déclaré:

«On force certains joueurs à dire de bonnes choses sur le président, sinon ils attaqueront leurs familles en Haïti. »

Une joueuse de l’équipe nationale s’est exprimée pour accuser Jean-Bart d’avoir tenté de la violer et d’avoir eu des enfants avec certaines coéquipières.

«Dadou est un criminel», a-t-elle déclaré. «Je suis l’une de ses victimes. J’ai si peur. S’il sait que je te parle… j’ai vécu un cauchemar. C’était un cauchemar. »

La joueuse a ajouté:

«Il a essayé de me violer lorsque j’étais au centre. Il a couché avec certaines de mes amies. Il a également des enfants avec certaines filles. C’est très compliqué pour nous là-bas… Et ce n’est pas seulement des abus sexuels mais aussi des abus moraux, des abus économiques, tout. Cet homme, il a ruiné ma vie. « 

Plusieurs anciens joueurs de l’équipe senior masculine ont également affirmé que Jean-Bart avait pris des dispositions pour qu’un jeune de 17 ans dont la mère travaillait au centre l’accompagne lors d’un voyage à Trinité-et-Tobago pour assister à un match en 2008.

« Dans le centre, plusieurs personnes préparaient les repas, dont une dame qui avait une fille qui lui rendait visite dès après l’école », a expliqué l’un des joueurs. «Un jour, Dadou a posé les yeux sur cette jeune femme. Lorsque nous avons pris l’avion pour Trinité-et-Tobago, la fille et sa mère faisaient partie de la délégation. Ce fut un choc. Il leur a donné des visas et elles sont restées avec lui dans un grand hôtel quatre étoiles pendant que nous étions dans un motel. Beaucoup de joueurs soupçonnaient qu’il essayait de coucher avec elle. »

Un porte-parole de la FHF a qualifié ces allégations de «sans fondement», ajoutant qu’elles étaient une tentative «de saper notre président, de salir la Fédération Haïtienne de Football et, ce faisant, de dégrader et de rabaisser notre pays. Il est honteux que le journal The Guardian persiste à répéter des allégations anonymes cherchant à assassiner la personne d’un homme qui a consacré sa vie à aider les jeunes joueurs haïtiens à réussir. Le Dr Jean-Bart et la fédération ont hâte d’être totalement exonérés. »
Des groupes de défense des droits humains en Haïti ont demandé la suspension de Jean-Bart pendant que l’enquête est menée par La Brigade de Protection des Mineurs – une branche spécialisée de la police haïtienne financée par les Nations Unies et l’UNICEF. La semaine dernière, Jean-Bart a été invité à se présenter au tribunal, la séance a été reportée dans quinze jours. Des sympathisants des victimes présumées ont apporté leur soutien.

Plusieurs des victimes présumées prévoient leur propre poursuite contre Jean-Bart par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats canadien.

«Il est nécessaire de faire la lumière sur toute cette affaire», a déclaré Patrice Florvilus, un avocat haïtien, directeur exécutif de l’organisation des droits de l’homme Défense des Opprimées / Opprimés.

«M. Jean-Bart doit démissionner ou être suspendu pour que la procédure puisse avoir lieu, notamment pour les femmes qui ont très peur. C’est pourquoi nous mettons en œuvre toute une stratégie juridique pour permettre aux femmes de témoigner. »

Jean-Bart a clamé son innocence dans les médias, notamment dans une interview à l’agence française AFP où il a été interrogé sur une vidéo qui le montre avec la main sur l’épaule d’une jeune joueuse lors d’une interview de sept minutes publiée par la FHF en 2016. Il a déclaré que ses attouchements sur la jeune fille étaient «un geste insignifiant, preuve d’une affection paternelle».

« Seul un athlète peut comprendre cela », a-t-il ajouté.

Interrogé par la radio haïtienne Magik9 s’il avait eu des enfants avec d’anciennes joueuses du centre, Jean-Bart a répondu: « J’ai le droit de ne pas répondre. »

L’une des victimes présumées a affirmé que plusieurs filles du centre et de l’AS Tigresses – le club fondé par le président de la FHF en 1972 – avaient donné naissance à ses enfants. « Certaines mères étaient mineures », a-t-elle ajouté.

Une manifestation de soutien à Jean-Bart a été organisée au centre de Croix-des-Bouquets deux jours après la publication de l’article par The Guardian. Pierre Richard Midy, un journaliste haïtien en exil qui a également enquêté sur des allégations d’abus sexuels dans son pays, estime que la manifestation était une autre illustration de l’influence du président. « Ils ont mobilisé les enfants – cela a choqué l’opinion publique », a-t-il déclaré.

La FIFA, l’instance dirigeante mondiale du football, a déclaré que son comité d’éthique avait dilligenté un «panel ad hoc» pour enquêter. Le code d’éthique de la FIFA lui permet d’imposer des sanctions provisoires, y compris des suspensions pouvant aller jusqu’à 90 jours «afin de garantir que la procédure d’enquête ne soit pas entravée ou lorsqu’une violation de ce code semble avoir été commise et qu’une décision sur le fond de l’affaire puisse ne pas être rendue suffisamment tôt ».

Minky Worden, qui supervise le travail de Human Rights Watch sur le sport et les droits de l’homme dans le monde, y compris le renforcement des règles des droits de l’homme dans le sport et les fédérations sportives, a exhorté l’instance dirigeante du football à suspendre Jean-Bart immédiatement en raison des allégations selon lesquelles il aurait menacé les victimes présumées.

« Agir rapidement pour suspendre le président de la fédération d’Haïti pendant que ces graves allégations font l’objet d’une enquête signifierait que la FIFA a l’intention de protéger les jeunes athlètes », a-t-elle déclaré. «Alors que des menaces auraient déjà été proférées, la FIFA a le devoir de veiller à limiter la capacité des personnes en position de pouvoir d’intimider ou de faire taire les accusateurs.»

Article original: https://www.theguardian.com/football/2020/may/21/alleged-victims-of-haiti-fa-president-say-they-have-received-threats
Traduction: LE COURRIER DU MONDE

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