Le confinement qui consiste à garder les citoyens chez eux pour éviter la propagation de la Covid-19, est une des mesures appliquées par de nombreux pays pour faire obstacle à la maladie. Ces pays disposent de moyens économiques qui leur permettent d’absorber les effets relatifs à un ralentissement brutal de leur économie, et disposent aussi de stratégies et politiques solides déjà établies afin de donner des supports adéquats à leurs citoyens durant un confinement.

Pour Haïti, le confinement est trop contraignant, pas seulement pour la population qui gagne sa vie au jour le jour, mais aussi et surtout pour le gouvernement qui sera obligé d’assumer trop de responsabilités vis-à-vis d’une population habituée à être abandonnée à son sort par ses responsables, même dans des situation les plus normales et régulières.

En voulant contraindre les haïtiens à rester chez eux, l’Etat haïtien devra faire face à des responsabilités qui n’ont jamais fait objet de priorité dans sa politique. L’apprentissage serait catastrophique et lourd de conséquences pour la gestion de cette équipe au pouvoir, qui verrait se dresser devant elle comme dans un miroir, son incompétence, reflet fidèle des mauvaises gestions antérieures.

Quelles seraient donc ces responsabilités auxquelles devra faire face l’Etat haïtien durant le confinement?

Le droit à la nourriture: Le pays qui connait un taux de chômage de 70% et un taux d’inflation de plus de 20%, nombreuses sont les familles haïtiennes qui n’ont pas la capacité d’avoir un plat chaud au quotidien. La capacité économique précaire ne permettra pas aux haïtiens de faire des provisions et rester à la maison pendant plusieurs semaines, sans oublier qu’Haïti entretient une insécurité alimentaire très grave. Ce gouvernement n’a absolument rien fait pour procéder au redressement de l’économie, aucune stratégie de production nationale, ce pays qui importe tout, même l’eau potable voit aujourd’hui la devise nationale crouler sous le poids du dollar: on compte aujourd’hui au moins 110 gourdes pour un dollar américain.

Le droit au bien-être: Rester à la maison implique un minimum de confort, qui est aussi de la responsabilité de l’Etat. Haïti connait actuellement une absence totale d’électricité, ce qui rend difficile la communication et certains loisirs domestiques. Les jeunes haïtiens divorcent progressivement d’avec les livres, les gouvernements ont durant des années encouragé la promotion d’activités ludiques en présentant des personnalités sans études ni diplômes universitaires comme modèle de réussite dans la société. Par conséquent, les jeunes ne s’intéressent plus aux livres, ils préfèrent écouter à longueur de journée des musiques à hauts décibels et aux textes dégradants, qui incitent à l’abus d’alcool ou à la débauche. Pour ces jeunes, parfois moins jeunes aussi, il est impossible de rester à la maison sans quelques heures d’électricité.

Le droit à la santé: L’Etat ne peut pas garantir le droit à la santé de ses citoyens. Dans les moments réguliers, les hôpitaux publics n’ont pas de personnels, pas de médicaments, et parfois, pas de service du tout! Les officiels haïtiens préfèrent, sans aucun gêne, aller se faire soigner à l’étranger alors que des femmes enceintes meurent à l’entrée des hôpitaux par manque de moyens pour s’octroyer les soins nécessaires. Le personnel de santé en Haïti manque cruellement (3 354 médecins pour plus de 10 million d’haïtiens). Ce n’est pas un problème que l’Etat peut résoudre en quelques semaines, même muni de la volonté la plus féroce au monde.

Le droit au logement: Des milliers d’haïtiens, jeunes, vieux et enfants vivent dans les rues sous les regards indifférents de l’Etat depuis des années. Croyez-vous que cet Etat va se donner la peine d’étudier et d’appliquer une stratégie de logement pour ces personnes en quelques semaines, ce qu’ils n’ont pas fait depuis plusieurs décennies?

Pour un Etat qui n’a jamais vu la nécessité de prendre ses responsabilités vis-à-vis de son peuple, ce serait une tâche trop lourde d’envisager d’appliquer le confinement. Et la façon la plus adroite d’esquiver cette responsabilité est de proposer à la population de rester chez elle – en sachant bien que ce serait impossible – ce qu’il voit comme une sorte de confinement au rabais!

Toutefois, le confinement reste et demeure la seule stratégie efficace pour faire face au coronavirus dans le pays, et bien sûr avec le port du masque dans les rares moments de circulation. Une personne en confinement a beaucoup moins besoin de porter un masque, se laver les mains serait seulement une habitude normale à ne pas perdre vu que l’ensemble des objets qu’elle manipule serait par défaut déjà stérilisés. La distanciation sociale ne serait même plus nécessaire dans certains cas.

Voyons de plus près les conséquences des mesures proposées par le gouvernement quand elle ne sont pas accompagnées du confinement.

Le lavage régulier des mains
Cette solution, si on peut l’appeler ainsi rentre dans le cadre d’une sensibilisation à longs termes qui s’apparente à une mobilisation pour le changement de comportement. Pour ainsi dire, l’efficacité dont on pouvait s’attendre du lavage des mains inclurait qu’on ait commencé ces sensibilisations au moins 6 mois avant l’arrivée de la maladie dans le pays. Même sous les effets de la peur et les grands moyens mis à disposition par l’Etat, il est impossible pour une population de changer de comportement dans quelques semaines. Les nombreuses sensibilisations antérieures relatives à combattre le choléra en Haïti peuvent en témoigner: elles ont duré presque 10 ans, et aujourd’hui, les haïtiens en sont encore à apprendre à se laver les mains.

La distanciation sociale et le rester chez soi
Il suffit de se rendre au marché, dans les transports publics ou au niveau de certains quartiers. On peut donc avoir l’impression que certaines personnes n’ont jamais entendu ces messages de distanciation sociale, en plus que les autorités appliquent une indifférence complice à ces comportements non sécuritaires.

Le port du masque
Mis à part l’aspect purement fantaisiste du port du masque, c’est la mesure la plus dangereuse à adopter dans la lutte contre le coronavirus dans ce pays. La manipulation du masque à elle seule est un véritable danger: combien de temps selon vous un masque peut-il demeurer propre au visage d’un haïtien qui arpente les rues à longueur de journée pour trouver à manger ? Ne parlons pas d’un marchand ambulant ou quelqu’un qui s’installe au marché traditionnel haïtien qu’on connait. Selon vous, pendant combien de temps ce masque pourra s’avérer utile et efficace?

Le port du masque sans confinement est un suicide collectif vendu comme moyen de protection. Le masque devrait être un outil alternatif au confinement, un dernier recours quand l’obligation de sortir se présente, mais pas un moyen sûr de circuler çà et là comme on l’entend.

Le masque donne la fausse impression aux gens qu’ils sont immunisés en vaquant à leurs occupations sans souci aucun, et sans faire vraiment attention aux autres mesures telles la distanciation sociale, le lavage des mains et le rester chez soi. A voir agir certaines personnes qui portent un masque, on a l’impression que tout est réglé, elles peuvent enfin tout faire car le masque les protège. En effet, les rues sont bondées, la circulation bloquée avec des embouteillages, tout fonctionne, etc. Les gens ne savent pas que le masque ne les protège pas, c’est pour cela que quelqu’un muni d’un masque n’observe aucune distance vis-à-vis de celui qui n’en porte pas.

La réalité, c’est que le masque ne protège pas la personne qui le porte, ce que le gouvernement se garde d’expliquer pour s’assurer que chacun en porte un.

Un masque manipulé avec des mains sales ne sert à rien. Un masque glissé au bas du menton ne sert non plus à rien, un masque exposé trop longtemps en plein air, dans la poussière ou dans la saleté et autres conditions agressives ne sert à rien.

Le port du masque pourrait être efficace si et seulement si cette mesure sert de renfort au confinement. Mais dans l’impossibilité de l’Etat de garder les gens chez eux, il n’a donc le choix que de s’appuyer sur cette fragile stratégie, ainsi le pays jouit d’un faux-semblant de fonctionnement. La population peut s’occuper de ses activités quotidiennes, elle laisse tranquille le gouvernement incapable d’assumer ses responsabilités.

On oublie tout!

Et quand les gens meurent, on ne pourra pas dire que le gouvernement n’a pas pris des mesures, car même dans les grands pays beaucoup de gens meurent! Si Haïti n’obtient pas la mention d’exception, ce n’est pas si grave, d’ailleurs elle traine derrière elle la solide réputation d’être la mauvaise exemple depuis qu’elle s’est laissée diriger par des incapables.

Joseph LEANDRE

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