La rubrique interview, nous amène à Lyon rencontrer Rui Pereira, référent handicap et consultant accessibilité dans le domaine de l’événementiel et culturel depuis 2010.

Rui Pereira a créé Fest’Dif, (Festival de la Différence et de la Diversité) à Villeurbanne (2021 : 8ème édition et les 10 ans du festival), et a développé d’autres actions dans le cadre de l’association MIETE entre 2015 et 2017, qui consistait en l’accompagnement et valorisation de bénévoles en situation de handicap via un outil de suivi, l’organisation de rencontres informelles et participatives entre personnes en situation de handicap en recherche d’emploi ou de stages avec des professionnels de l’emploi (formation, accompagnement, recrutement et entreprises)  à travers Café contact emploi.

En 2019, Rui Pereira a créé l’entreprise Inclusiv’Events pour faire du conseil en accessibilité et créer des outils dans l’accessibilité universelle. Cette entreprise qui a pour but de développer un produit qu’il a lui-même créé : le Cheminement d’Accessibilité Universelle, CAU-mobility. Nous avons le plaisir de l’avoir avec nous pour présenter plus en détail ses projets et ses engagements envers les personnes en situation de handicap.

LCM : C’est quoi le projet Inclusiv’Events ?

LP : Inclusiv’Events est un projet qui s’articule autour de deux axes principaux:

  • Le conseil en accessibilité pour les personnes en situation de handicap dans les domaines de l’événementiel et culturel.
  • De loin le plus important à l’heure actuelle, le second axe est le développement d’un nouveau dispositif d’accessibilité dans l’espace public, le CAU-mobility, Cheminement d’Accessibilité Universelle pour une co-mobilité inclusive dans l’espace public.

LCM : C’est quoi le CAU-mobility ?

LP : Le CAU-mobilityest un assemblage de modules qui forme un cheminement avec des rainures de couleur contrastée pour les personnes aveugles et malvoyantes et suffisamment large pour les personnes en fauteuil roulant qu’on peut installer sur des terrains accidentés et ainsi rendre ceux-ci accessibles à tou.te.s.

Ce dispositif facilite donc le déplacement dans l’espace public de toutes les personnes à mobilité réduite qu’elles soient en situation de handicap (personnes en fauteuil roulant, malvoyantes ou aveugle, en béquilles) mais également les personnes avec des poussettes et des valises par exemple.

Adapté à tout type de terrain accidenté (par exemple l’herbe, les graviers, le sable…), ce dispositif est par conséquent approprié à tout type d’usages que ce soit dans le domaine de l’événementiel, l’urbanisme (par exemple le contournement des travaux sur la voirie) et sur les sites touristiques tels que les parcs ou les plages.

Facile à installer, ce système modulaire est ainsi adapté à des situations éphémères, à durée limitée – Sa facilité d’usage et sa conception rend cette solution sécurisée pour tous les publics.

LCM : Qu’est-ce qui est à la base de cette initiative ?

LP : Lors de la création du Fest’Dif, j’ai voulu que ce soit un événement le plus accessible possible pour tous les publics afin de faire sortir les personnes isolées et générer la rencontre. Avec les associations MIETE et AMAAC-Access’Festival, nous avions créé notamment des planchers vibrants pour le public sourd et souhaitions que le public aveugle et malvoyant puisse être autonome sur le site du festival.

Nous utilisions des bandes de moquette mais la solution était loin d’être satisfaisante. D’autre part, j’agissais en tant que bénévole sur plusieurs festivals avec une accessibilité absente ou très inadaptée.

J’ai souhaité me consacrer à cet aspect de l’accessibilité dans le domaine événementiel et culturel, qui me semble être primordial pour le bien être de toute personne, notamment atténuer l’isolement.

Au-delà du conseil, j’ai eu cette merveilleuse idée du CAU-mobility que j’ai breveté en 2019.

LCM : Quels sont les objectifs de Inclusiv’Event ?

LP : Améliorer la société pour les personnes à besoins spécifiques, leur permettre de les sortir de leur isolement et de les accompagner vers un Vivre Ensemble.

Pour cela, il faut donner une autonomie aux personnes en situation de handicap d’où l’importance de l’accessibilité dans l’espace public et en parallèle changer le regard sur le handicap que je préfère appeler différence. Le terme handicap est plus stigmatisant et négatif.

LCM : Quels ont été les premiers résultats ?

LP : Tout le travail que j’effectue autour de la différence depuis une dizaine d’année m’a démontré la nécessité de changer de paradigme sur le sujet du « handicap ».

Les retours des personnes concernées par mes actions ont été si positifs que je me trouve souvent honoré par tout ce qu’elles me renvoient : la joie qui émane de leur sourire et leurs remerciements.

Et quand je vois ce que la rencontre génère entre les différents publics, je reste très optimiste. C’est le plus important pour moi.

D’autre part, le public et les bénévoles « ordinaires » (je ne dis pas « normal » car qu’est-ce que la normalité ?) ont eu leur regard changé par rapport à la différence. Ceux qui avaient une appréhension, se sont aperçus que cela était uniquement induit par leur peur de la différence. Les actions que j’ai réalisées ont permis de générer des rencontres très belles et fortes en émotion. Pari réussi !

LCM : Quels sont les pays où vous intervenez ?

LP : Dans le cadre du dispositif CAU-mobility, je travaille pour l’instant, au niveau national en France métropolitaine.

Mais j’ai déjà de l’intérêt, voire des sollicitations pour cette solution innovante de Guyane, Brésil, Suisse et Québec…

LCM : Comment Inclusiv’Events peut améliorer la situation des personnes en situation de handicap dans le monde ?

LP : Vu les atouts indéniables du CAU-mobility pour les terrains accidentés entre autres, le développement du CAU-mobility dans le monde va révolutionner le déplacement des personnes en situation de handicap notamment au sein de territoires qui ont peu d’infrastructures de voirie. Je suis confiant dans le développement de cette solution au niveau international.

LCM : Quelles ont été les difficultés liées au Covid-19 sur les activités ? Comment les avez-vous surmontées ?

LP : Il y a eu un ralentissement du projet mais finalement la période a aussi montré l’importance de pouvoir sortir de chez soi, de se déplacer et aussi la place importante de la culture. C’est une situation qui est finalement favorable à la promotion du CAU-mobility.

En effet, cette prise de conscience de la liberté de déplacement dans l’espace public permet de convaincre les clients de l’importance de mes actions telles que le CAU-mobility qui sert à rompre l’isolement des personnes avec des difficultés à accéder à une vie comme tout un chacun.

C’est ma façon de voir les choses positivement.

LCM : Quels sont les partenaires locaux et internationaux qui soutiennent vos activités ?

LP : Je travaille toujours en collectif et avec les personnes concernées, c’est ma manière de développer les projets. Par exemple, pour le Fset’Dif, nous avions entre 20 et 50 partenaires selon les années.

Dans le cadre du projet CAU-mobility, j’ai été épaulé par les associations MIETE et AMAACAccess’festival, dont plusieurs personnes concernées par des difficultés de déplacement, bénévoles de ces associations.

Le travail des ingénieurs du FabLab You Factory a été essentiel pour répondre aux aspects techniques du dispositif CAU-mobility.

Aussi, plusieurs personnes d’associations diverses concernant le handicap ont participé en conseillant et testant le dispositif. Les associations Valentin Hauy, FAF-APRIDEV, APF, Ludiversité, CARPA notamment.

Pour l’instant, ce sont des partenariats locaux mais j’aspire à ce que des partenariats nationaux et internationaux émergent lorsqu’Inclusiv’Events sera plus visible et reconnu grâce au CAU-mobility.

LCM : Comment peut-on contacter et soutenir vos projets ?

LCM : Un dernier mot ?

LP : Nos différences sont toujours enrichissantes. Nos complémentarités permettent de travailler en partenariat pour une société inclusive parce que : « Ce que nous avons tous en commun c’est d’être tous différents » d’après Robert Zen.

Propos recueillis par Joseph LEANDRE

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